Depuis la relance du dossier Bukanga Lonzo, les violons ne s’accordent pas du tout entre le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, et Dieudonné Kamuleta, président de la Cour constitutionnelle. Le premier exige du second une lettre de demande de levée d’immunités parlementaires de Matata Ponyo, député national. C’est seulement si ces immunités sont levées que l’ancien Premier ministre pourrait être jugé par la cour constitutionnelle.
C’est dans ce sens que VK s’est adressé le jeudi 17 avril 2025 au président de la Cour constitutionnelle pour exiger le strict respect de la procédure dans le dossier Bukanga Lonzo.
Vital Kamerhe a rappelé dans sa correspondance que, conformément à la loi, toute poursuite judiciaire contre un député doit être précédée d’une demande formelle de levée de ses immunités parlementaires. Il attend ainsi de la haute cour l’envoi d’une lettre officielle à l’Assemblée nationale, afin de permettre à la plénière de se prononcer sur cette levée.
« Comme ce fut le cas pour Nicolas Kazadi, la Cour de cassation avait écrit au bureau, et la plénière s’était prononcée. Nous attendons également que la Cour constitutionnelle nous saisisse par écrit, afin de respecter les règles et faciliter la collaboration entre les deux institutions», a-t-il écrit.
Par ailleurs, Vital Kamerhe a précisé que toute demande de levée d’immunité devra être motivée par des éléments concrets permettant à la plénière d’examiner la requête de manière éclairée.
Ce faisant, le speaker de la chambre basse du Parlement a exprimé son indignation face au lancement d’une procédure judiciaire contre un député encore protégé par ses immunités parlementaires. Il a affirmé son engagement à défendre tous les élus en cas d’atteinte à leurs droits.
Pour rappel, le procès du dossier Bukanga Lonzo s’est ouvert devant la Cour constitutionnelle. L’ancien Premier ministre Matata Ponyo est accusé d’avoir détourné plus de 200 millions de dollars, dont les fonds n’auraient pas été retracés selon un rapport de l’Inspection générale des finances-IGF.
Matata suspend sa participation aux audiences
Fort de cette prise de position de Vital Kamehe, le député national Matata Ponyo a dans une correspondance adressée au président de la Cour constitutionnelle le lundi 21 avril 2025, annonce la suspension de sa participation aux audiences de la Cour constitutionnelle. Il justifie sa décision en se fondant sur la position adoptée par l’Assemblée nationale lors de sa plénière du 17 avril. À cette occasion, la chambre basse du Parlement a estimé que les poursuites engagées contre le député violent la Constitution ainsi que le Règlement intérieur, en ce qu’elles ont été lancées sans la levée préalable de ses immunités parlementaires.
« Les poursuites diligentées contre le député national Matata Ponyo que je suis, dans la cause sous R.P.0002, sont inconstitutionnelles et violent également le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en ce qu’elles sont exercées contre un député national couvert par ses immunités parlementaires », écrit-il dans sa lettre.
La plénière de l’Assemblée nationale a, selon Matata, exigé de la Cour constitutionnelle qu’elle se conforme strictement à la procédure prévue par la Constitution. En conséquence, il annonce son refus de continuer à comparaître, se pliant aux exigences de l’institution parlementaire à laquelle il appartient.
De son côté, le professeur Raphaël Nyabirungu, coordinateur du collectif d’avocats de Matata Ponyo, a dénoncé lors d’une conférence de presse la manière dont la justice traite son client. Il accuse les juges de vouloir «malmener» l’ancien Premier ministre, sans respecter les principes élémentaires de l’État de droit.
«On ne peut pas juger deux fois une même affaire. Comment peut-on juger un député national sans vérifier si ses immunités ont été levées? La Cour constitutionnelle doit respecter l’article premier de la Constitution, qui consacre l’État de droit», a-t-il déclaré.
Malgré les multiples demandes de remise formulées par les avocats des prévenus pour mieux préparer leur défense, la Cour a ouvert l’instruction le 14 avril dernier. Matata Ponyo, interrogé ce jour-là, avait affirmé ne pas être prêt à répondre, faute de temps suffisant pour étudier le dossier.
Pendant que le procès se poursuit, cette passe d’armes entre la Cour constitutionnelle et le Parlement est de nature à raviver le débat sur le respect des immunités parlementaires et les principes fondamentaux du droit dans notre pays.