Le rapport de l’IGF va bientôt provoquer des remous dans la ville : Le ministre Constant Mutamba déterminé à poursuivre l’ancien gouverneur de la BCC, Déogratias Mutombo 

Le rapport récemment exhumé par l’Inspection générale des Finances –IGF- sur la gestion de la Banque Centrale du Congo –BCC- pour la période allant de 2018 à 2020, va bientôt provoquer de sérieux remous dans la capitale. Car, sans plus tard, le ministre de la Justice Constant Mutamba a instruit, selon un communiqué de son cabinet publié le 18 janvier 2025, le Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe d’ouvrir un dossier judiciaire à charge des responsables des détournements signalés dans ce rapport, notamment la somme de 315.612.000 de dollars résultant des avances fiscales consenties à la République, de 2012 à 2020, par la Gécamines. 

Le ministre indique d’ores et déjà que des mandats d’arrêt internationaux ont été émis à charge des personnes incriminées et transmis aux organes de justice de plusieurs pays pour les appréhender.

Des sources proches du dossier citent le nom de l’ancien gouverneur de la BCC, Deogratias Mutombo et des proches de l’ancien régime. 

Révélations de l’enquête Congo Hold-up

Il sied d’indiquer que le travail de l’IGF a été évoqué dans une enquête dénommée «Congo Hold-up», une publication faisant partie des révélations issues de la plus grande fuite de données bancaires d’Afrique. Pendant plus de six mois, dix-neuf médias internationaux coordonnés par le réseau European Investigative Collaborations -EIC-, et cinq Ong dont Resource Matters, ont analysé plus de 3,5 millions de documents et de millions de transactions du groupe BGFI et de sa filiale en RDC sur une période de dix ans. Ces documents ont été obtenus par l’Ong Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique -PPLAAF- et le site d’information français Mediapart. 

Signalons que Resource Matters est une Ong belge installée à Bruxelles et à Kinshasa. Son objectif est de mieux comprendre et aider à surmonter la pauvreté endémique dans les pays riches en ressources naturelles. Selon les auteurs, au courant du deuxième mandat de Joseph Kabila, 2012-2018, la Gécamines a versé plus de 591,6 millions de dollars d’avances et de prêts sur divers comptes que la BCC tient dans plusieurs banques commerciales, suivant un document que la Gécamines a remis à l’IGF. Environ la moitié a été versée pendant la période de ‘glissement’ durant laquelle le président sortant Joseph Kabila a étendu son pouvoir outre les délais constitutionnels, 2017- 2018.

L’Inspection générale des Finances qui a lancé un contrôle de la Gécamines, doute que cet argent ait été versé au Trésor public. «À ce jour, rien de ce montant n’a encore été retracé au compte général du Trésor, en dépit des demandes incessantes de l’IGF à la Banque centrale du Congo», a répondu par écrit Jules Alingete, aux médias partenaires du projet Congo Hold-Up. Et d’ajouter: «La Banque Centrale n’a jamais, jusqu’à aujourd’hui, pu nous donner la moindre preuve que cet argent a atterri dans les comptes du Trésor», a-t-il précisé lors d’entretiens avec Mediapart et RFI, membres du consortium Congo Hold-Up. 

Au ministère des Finances, l’on fait savoir que «les régies financières n’ont jamais eu de preuves que l’argent est arrivé», a poursuivi Jules Alingete. De l’avis du ministre des Finances de l’époque Henri Yav «les régies financières ont été contraintes de payer les dettes de la Gécamines sans que l’on puisse s’assurer que les comptes de Trésor ont été crédités». Mais, pour l’IGF, «Cette opération est une complicité entre la Gécamines, les ministres des Finances et la Banque Centrale», fait observer l’IGF. 

Dès qu’il a constaté cette situation, Jules Alingete s’est empressé d’écrire à l’actuel ministre des Finances pendant l’enquête Congo Hold-up, lui demandant de cesser la «titrisation» des avances fiscales de la Gécamines, c’est-à-dire la reconnaissance officielle par l’État de ces paiements, le temps que l’enquête de l’IGF soit terminée. 

Sur base d’une fuite de 3.5 millions de documents issus de la banque BGFI, obtenus par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique et par Mediapart, et analysés par un consortium constitué de 19 médias et 5 organisations non gouvernementales, Resource Matters retrace l’origine de l’argent que la Gécamines a utilisé pour ces avances. Une société minière saignée à outrance 

Le rapport révèle comment la Gécamines a continuellement été saignée, à coup de dizaines de millions de dollars, juste après avoir négocié d’importants contrats avec des investisseurs internationaux comme Eurasian Resources Group, Glencore ou encore China Molybdenum. Ces ponctions mettent en péril sa stratégie de redevenir un producteur minier de taille. L’enquête a permis également de confirmer que les inquiétudes de l’IGF sur la destination réelle de certaines avances fiscales sont justifiées. Ainsi, l’analyse des investigateurs est partie sur la trace de 30 millions de dollars avancés en 2012 qui ont pris la destination du Sommet de la Francophonie. Le rapport détaille aussi les 8 millions de dollars avancés fin 2015 et retirés en liquide aux guichets la filiale kinoise de BGFIBank, via un homme de paille et une société liés à des hommes d’affaires libanais aujourd’hui sous sanctions américaines pour financement du Hezbollah. Une autre «avance fiscale» encore, non répertoriée par l’IGF, a directement été versée sur le compte de Sud Oil, la société affiliée au réseau Kabila, sans même transiter par la Banque Centrale. Le reste des avances fiscales –un demi-milliard de dollars– est non retracé. 

Miroir Politique

 

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