Ce n’est pas de sitôt que le dossier des singes Bonobos cessera d’agiter les populations du territoire de Basankusu, dans la province de l’Equateur. Depuis que la Directrice générale de l’Asbl Ekolo a décidé d’occuper une vaste étendue de la forêt de cette partie du pays pour y installer ces singes, des manifestations de colère se produisent à des intervalles réguliers entre les habitants contre l’organisation de sauvegarde des singes Bonobo, dénommée Abc ekolo ya Bonobo.
Des tensions continuent de régner dans le secteur de Gombalo et les groupements Boso-Ngubu, Ilongabo et Baenga, où se trouvent les sites de protection et de réinsertion des Bonobo.
Les populations de ces entités, en colère, avaient bruyamment manifesté contre la présence de ces primates et incendié des maisons sur ces sites de conservation, avant de descendre au centre commercial et administratif de Basankusu.
Les populations riveraines des sites de conservation des Bonobo reprochent à Abc ekolo ya Bonobo, qui a installé dans la région ses sites de réserve et de protection de Bonobos depuis 14 ans, de ne pas respecter les clauses sociales signées avec elles. Entre autres, le paiement des redevances coutumières.
Non-respect des accords signés
Pour installer ces singes dans le territoire de Basankusu, le gouverneur de l’Equateur, Bobo Boloko avait signé en mai 2024 à Kinshasa, un partenariat public-privé avec la présidente de cette Asbl. Un autre accord de partenariat devait être signé avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature-ICCN- pour déterminer les mesures de gestion de la réserve qui est confiée à l’association ABC.
La réserve communautaire Ekolo ya Bonobo se trouve dans le groupement d’Ilonga Pôo, en territoire de Basankusu et s’étend sur une superficie totale de 47 515 hectares. L’association ABC renseigne qu’à ce jour, 64 bonobos sont pris en charge au sanctuaire Lola ya bonobo à Kinshasa et 29 au site de réintroduction Ekolo ya Bonobo, une forêt marécageuse du district de Basankusu.
En 2007, l’ONG les Amis de Bonobo du Congo « ABC » attirée par les forêts du territoire de Basankusu va explorer ses forêts. En 2008, elle crée, sur base d’un accord avec le groupement Ilonga Pôo (secteur de Gombalo, la réserve communautaire Ekolo ya Bonobo (RCEB), lequel sera qualifié de « Centre de réadaptation à la vie sauvage de Bonobo ». Dix ans plus tard, soit en 2017, l’ONG ABC aurait consulté les communautés de Baenga et de Lisafa pour la création d’une véritable aire protégée dans leur ressort. Et que c’est le 16 avril 2019, qu’un arrêté provincial n°2010/055/CAB/PROGOU/ EQ/C.J/PLB/2019 a été délivré à cette Asbl.
Cependant, depuis plusieurs années on note une crise persistante entre les communautés du territoire de Basankusu et le partenaire de gestion l’ONG ABC. La crise la plus grave est celle de juin 2023, caractérisée par des revendications émanant de toutes les parties prenantes (communautés du territoire de Basankusu et ABC). De plus en plus, l’on enregistre des tensions accompagnées d’actes qui détériorent le climat de collaboration, accélèrent la dynamique du conflit et engendrent des actes de violence à l’encontre de la population.
Afin de résoudre cette crise, plusieurs efforts ont été déployés à différents niveaux. Au nombre de ces initiatives, il y a lieu de noter la réunion du Comité de résolution des conflits (CRC) du 6 juillet 2023 à Basankusu; la réunion du conseil de sécurité du 18 mars 2024 tenue à Mbandaka, la conférence-débat organisée à Kinshasa en mars 2024 par les ressortissants de Basankusu en collaboration avec le Centre des Technologies innovatrices et le Développement durable -CTIDD Asbl-, le Groupe d’Action aux initiatives de Développement durable et participatif -GAIDEP Asbl- et le Cercle de réflexion et d’appui pour le Développement durable des initiatives à la base-CERDI-BAS Asbl- avec la participation des Députés, sénateurs, scientifiques, notables, jeunes…tous ressortissants de Basankusu).
Il avait été recommandé d’évaluer la gestion actuelle de la RCEB (Communauté de Basankusu et ABC) et de suspendre les activités qui sous-tendent l’extension de la réserve-ABC. Il y a lieu de signaler également la rencontre entre les responsables des organisations initiatrices de la conférence et le ministre Marc Ekila le 19 mars 2024 ; ainsi que celle organisée en avril 2024 entre les ressortissants du territoire de Basankusu à Kinshasa et Eve Bazaiba, alors ministre de l’Environnement et du Développement Durable, en présence du ministre des Transports et voies de communication, de représentants de l’ICCN et de la Direction de conservation du MEDD, de la Députée nationale Joséphine Lokumu ; la réunion organisée le 14 août 2024 à Kinshasa par le gouverneur de l’Équateur entre les ressortissants et les élus du territoire de Basankusu. A l’issue de cette dernière réunion, les parties prenantes avaient convenu d’organiser un forum global et inclusif à Basankusu, sous la médiation des confessions religieuses et l’assistance technique et financière des partenaires légaux, sur base de termes de référence conjointement élaborés.
Malheureusement, il a été constaté la volonté délibérée de la part de l’ABC qui mène ses actions de terrain sans avertir la Dynamique. Les communautés locales du territoire de Basankusu reprochent à l’ABC/RCEB l’introduction des Bonobos dans la forêt (avant même la création de la RCEB) et la création d’une réserve dans le territoire de Basankusu sans consentement des communautés locales; les approches (coercitives et répressives) déployées pour la conservation (les présumés cas de tortures et arrestations irrégulières, le non-respect des droits de l’homme par les éco-gardes, l’interdiction d’entrer dans la forêt, le fait d’avoir accordé beaucoup d’intérêt à la protection de Bonobo plutôt qu’aux personnes…) et l’intention d’étendre la zone de conservation (RCEB) sans consentement préalable des communautés locales alors que la première réserve ne donne pas satisfaction, etc. C’est dire qu’aussi longtemps que la Directrice générale ne respectera pas les engagements pris, la tension sera toujours vive à Basankusu.