Après une décennie passée à la prison de la Haye, à la suite de sa condamnation à la Cour pénale internationale –CPI-, et présentement vice-Premier ministre en charge des transports et voies de communication, les Congolais pensaient que le président national du Mouvement de libération du Congo-MLC- s’était assagi. Bien au contraire, il affiche toujours le comportement d’un chef de guerre, impulsif, ne respectant personne, même pas les chefs religieux de l’Eglise catholique que son défunt père avait servi avec dévotion.
C’est ainsi qu’au cours d’une interview accordée le 9 juin 2025 à la chaine de radio Top Congo émettant de Kinshasa, il s’est illustré par des propos mensongers à l’égard de l’Eglise catholique, l’accusant de saper les fondements de la cohésion nationale.
Sans plus tarder, dans un communiqué publié le jeudi 12 juin, la Conférence épiscopale nationale du Congo –CENCO- fustige les propos tenus par le vice-Premier ministre Jean-Pierre Bemba. Au cours de cette intervention, Bemba a accusé certains membres de la CENCO de faire partie d’un complot visant à renverser le régime du président Félix Tshisekedi, aux côtés de figures politiques telles que Joseph Kabila et Moïse Katumbi.
Une déclaration est qualifiée d’ineptie par la Cenco, dans un texte signé par son président, Mgr Fulgence Muteba Mugalu, Archevêque de Lubumbashi. L’organe de l’Église catholique dénonce une campagne de diffamation nourrie depuis les élections générales de 2023, et imputée à une volonté manifeste du ministre de délégitimer l’action de l’Église dans l’espace public.
Un rappel à l’ordre
Dans ce document, la Cenco a enjoint le vice-Premier ministre des Transports Jean-Pierre Bemba à clarifier ses affirmations concernant une prétendue allocation de 1 000 000 $ à chaque diocèse. La Conférence épiscopale nationale du Congo s’est dit consternée par les propos mensongers tenus par le numéro un des Transports. Elle a rappelé à l’ordre le président du MLC, exigeant des preuves tangibles sur les fonds supposément attribués par l’État congolais à l’Église catholique dans le cadre du Programme de développement local des 145 territoires.
L’Église catholique ne pouvait pas rester silencieuse face à des déclarations jugées indécentes, énoncées avec l’intention de ternir l’image des clergés de la RDC. «Sans nous en cacher, ces propos belliqueux et truffés de contrevérités, nous ont paru peu honorables pour un homme d’État de son rang », écrit le secrétaire général de la Cenco, avant de souligner qu’il est inadmissible de traiter les prêtres comme « des politiciens en robe ». Sur les 48 diocèses que compte le pays, 47 avaient accepté de collaborer avec le président Tshisekedi pour contribuer au bien commun des Congolais. Seul l’archidiocèse de Kinshasa avait décliné l’offre. «Plus de deux ans après la signature de cet accord, seulement deux tranches ont été données aux 47 diocèses concernés. La première en 2022 et la deuxième en 2023, soit 600 000 USD par diocèse. Tous les diocèses se sont mis à l’œuvre», a détaillé Mgr Donatien N’Shole, avant d’ajouter que «le gouvernement se prépare à verser la troisième tranche ».
Malgré le financement irrégulier de ce projet, certains travaux sont très avancés, tandis que d’autres restent inachevés, a précisé le SG de la Cenco dans sa mise au point. Sans détour, le chapelain du Pape a invité l’Inspection générale des finances –IGF- à vérifier la comptabilité des ressources déjà allouées. «Nous sommes prêts à recevoir l’IGF pour vérifier la comptabilité. La CENCO avait, dès le début, prévenu les gestionnaires locaux de ces projets qu’elle ne couvrirait personne en cas de malversation financière », a-t-il assuré.
Jean-Pierre Bemba sommé de fournir des preuves
La Cenco demande à Jean-Pierre Bemba d’apporter des preuves tangibles de ses accusations concernant le prétendu montant de 1 million de dollars américains. «Nous demandons à Jean-Pierre Bemba de rendre publiques les preuves de ses allégations de 1 million USD mis à la disposition de chaque diocèse», a insisté Mgr N’Shole.
En outre, le président du MLC est sommé de démontrer l’existence d’une collaboration supposée avec une organisation russe visant à pirater le serveur de la Commission électorale nationale indépendante-CENI.
Le porte-parole de la Cenco s’interroge sur l’acharnement dont est victime l’Église catholique. «Où trouve-t-on la haine dans les messages de l’Église?» s’est-il exclamé. Le prélat a rappelé que l’amour ne signifie pas cautionner les erreurs.
Enfin, dans un devoir de mémoire, Mgr N’Shole a exhorté Bemba à se souvenir des moments difficiles qu’il a vécus à La Haye, alors qu’il était détenu par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. «Nous souhaitons ardemment que le VPM Bemba se souvienne que l’Église qu’il vilipende depuis quelque temps est la même dont il avait bénéficié de deux visites précieuses pendant qu’il était en prison à La Haye. La vérité de l’histoire, renseigne la sagesse, résiste à la frivolité du temps», a-t-il martelé.
La CENCO a, par ailleurs, remercié les dirigeants du pays, et particulièrement le président Félix Tshisekedi, pour la confiance placée en l’Église catholique dans la réalisation de nombreuses œuvres sociales à impact visible. Elle a également réitéré son engagement à œuvrer avec transparence et dévouement au service des communautés locales.
Enfin, la Cenco s’étonne que «malgré la gravité des propos tenus par le vice-Premier ministre Bemba, il n’y ait aucune réaction des Institutions de la République et de sa hiérarchie. Normalement, le Procureur général près la Cour de cassation, ainsi que l’Assemblée Nationale, devraient se saisir d’office de ce dossier pour faire toute la lumière sur les différentes allégations et en tirer les conséquences de droit. Dans le souci de protéger l’opinion nationale et internationale contre les manipulations grossières, et de préserver les acquis des efforts communs de paix, elle se réserve en même temps le droit de saisir la justice ».
Miroir Politique